« L’installation des jeunes agriculteurs et l’agroécologie sont prioritaires » Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est.

La responsable agriculture et viticulture veut aussi développer la distribution et la consommation locale et demande plus de décentralisation.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Bonjour à tous, bienvenue dans les Clés de l’Agriculture.

Aujourd’hui j’ai le plaisir de recevoir Pascale Gaillot. Bonjour.

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Bonjour.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Je rappelle que vous êtes Vice-Présidente de la Région Grand Est en charge, plus spécifiquement, des questions agricoles et de viticulture.

Première question, toute simple : comment vont, aujourd’hui, les agriculteurs dans la Région Grand Est ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Et bien écoutez, aujourd’hui, au mois de juillet, il y a la moisson qui est en cours et à quelques exceptions près, la moisson est assez bonne. Donc il y a un bon moral dès lors qu’un agriculteur fait sa moisson et a des bons résultats. 

Ça, c’est la petite conjoncture tout à fait actuelle. Après, plus globalement, les agriculteurs sont peut-être le secteur d’activité qui a été le moins touché directement par le Covid et ses conséquences, notamment le confinement et la reprise difficile. Mais tout cela va dépendre effectivement des filières. Ce sont vraiment les filières qui ont le plus de relations directes avec le consommateur, notamment avec la restauration hors domicile, avec le tourisme, etc, qui sont les plus impactés. Je veux parler notamment de la viticulture et la filière brassicole. Là, c’est vraiment très, très compliqué cette année.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Effectivement, la filière viticole, le monde de la bière a été très, très perturbé.

Est-ce qu’on a un peu un état des lieux de la situation les concernant ? Après cet épisode du Covid ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Alors, je vais vous en donner un par exemple. On ne peut pas tout chiffrer, tout quantifier, mais si je prends l’exemple du champagne, c’est généralement 300 millions de bouteilles commercialisées par an. 

Les chiffres aujourd’hui laissent penser que ce sera plutôt 200 millions de bouteilles.

100 millions de bouteilles en moins. C’est un chiffre d’affaires d’un milliard 700 millions d’euros qui ne se fera pas dans le territoire. 

Voilà, c’est aussi impactant que cela. Les chiffres sont aussi terribles que cela. 

La bière, pour nous, les conséquences vont être à différents échelons. 

En été, nous sommes la première région productrice d’orge, de malt, de houblon et de bière. Et donc, à chaque niveau, les acteurs vont être impactés.

En ce moment, les agriculteurs moissonnent et récoltent l’orge. 

Et bien, les prix de l’orge seront assez catastrophiques et toute la chaîne de valeur, évidemment, va en pâtir.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Il y a aussi des secteurs connexes, bien sûr, qui sont concernés : l’œnotourisme, le tourisme tout court, évidemment, comme dans toutes les régions de France, qui ont été fortement impactés. Dans la Région Grand Est, ça compte beaucoup ? l’œnotourisme notamment ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Ça compte beaucoup, effectivement, avec le tourisme qui était peut-être plus développé jusqu’à présent en Alsace et dans les vignobles lorrains, il ne faut pas les oublier, peut-être un peu plus qu’en Champagne. 

Et puis, on se rappelle quand même que notre Région Grand Est a été la première touchée dans le timing par le Covid. Et on souffre encore aujourd’hui de la fausse bonne idée du classement des régions françaises en vert et en rouge. Nous étions en rouge et aujourd’hui, évidemment, il nous faut absolument restaurer la confiance. Donc nous avons fait une campagne de communication, que vous avez peut être vu, pour les Parisiens dans les gares parisiennes, etc, pour inviter à venir dans le Grand Est. Parce que la zone rouge nous a fait énormément de tort.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Alors justement, on parle de tourisme : si on se projette, on est en vacances, en plein mois de juillet, il y a encore tout le mois d’août qui arrive…

Ça prend, justement, ce tourisme là ? Vous sentez que ça frémit un petit peu ? 

Que les touristes reviennent dans toute cette grande belle région ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Les touristes reviennent, les touristes français, on en croise : j’étais il y a deux jours à Strasbourg, ça c’est vraiment ressenti. Ce n’est pas forcément quantifié, mais c’est comme le reste de la France.

Nos touristes étrangers ne sont pas là et c’est vraiment là que l’impact sera le plus important. Les Chinois, les Américains ne sont pas là. Les étrangers ne sont pas là, en Grand Est comme partout en France.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Est-ce que vous pensez que les touristes français peuvent arriver à, je ne vais pas dire remplacer, bien sûr que non, mais à compenser un peu la perte ? 

On voit que dans certaines régions de France, les bords de mer par exemple, attirent naturellement plus les touristes.

Mais vous pensez que les touristes français peuvent revenir et assurer un minimum vital pour la saison touristique?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

En tout cas, c’est ce sur quoi on s’est employé avec la grande campagne de communication. 

Vous avez parlé des plages, mais nous avons des Grands Lacs. 

C’est une spécificité du Grand Est : la Madine, la forêt d’Orient ou lac du Der, etc. Donc, on a montré qu’on avait aussi des plages et qu’il fait très beau en Grand Est. 

Jamais ça ne compensera le pouvoir d’achat des touristes étrangers. Mais ce que l’on veut, c’est inviter les gens à regarder dans leur propre région ce qui se passe, ce qui est intéressant à voir et faire redécouvrir aussi un tourisme de proximité.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Tout est envisageable, tout est possible, en tout cas c’est une belle et vaste région à découvrir avec des forêts, des villes et comme vous le disiez, même de l’eau avec de très beaux lacs où on peut aller aussi faire trempette donc ça, c’est bien de le dire.

Vous avez lancé au mois de juin, suite au confinement : Loc’Halles Grand Est. 

À savoir : le plus court chemin vers nos produits locaux. 

L’idée, c’est quoi ? C’est de prolonger un petit peu ce qui s’est développé pendant le confinement ? C’est à dire un rapprochement entre les producteurs de fruits et légumes vers les consommateurs ? Vous avez institutionnalisé ça avec une appli ou une appli Web qui permet quoi ? De trouver plus facilement des produits de consommation courante produits localement au niveau agricole pour les consommateurs ? C’est ça, l’idée ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Voilà c’est ça, vous avez bien résumé. En fait, cette appli a précédé le confinement et la crise que nous venons de traverser.

Nous l’avions imaginé dès 2017, lorsque nous avions fait des assises alimentaires. On s’est rendu compte effectivement qu’il était nécessaire d’identifier où étaient les producteurs. C’était une demande des consommateurs, mais c’est aussi une demande de l’industrie agroalimentaire pour son propre approvisionnement. C’est une demande de la grande distribution qui s’est accentuée d’ailleurs au moment du confinement.

Notre appli était quasiment prête. On n’avait pas voulu la sortir au Salon de l’Agriculture parce qu’on veut toujours que ce soit parfait. Et donc, on a accéléré sa mise en œuvre pour la déployer pendant le confinement.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

C’est plutôt bien parce qu’on voit pas mal d’endroits en France où finalement, il y a eu des tentatives à cause ou grâce au confinement, tout dépend de là où on se place bien sûr. Mais on entend des échos comme quoi, finalement, ça ne suit pas vraiment. Parce qu’il n’y a pas forcément le dispositif, les applis par exemple, qui permettent de mettre en relation les producteurs et les consommateurs donc ça c’est plutôt bien.

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Voilà, et puis, ce sur quoi je veux insister c’est ce qu’on avait imaginé dès le départ et qui va, je pense, être fondamental. C’est la partie qu’on appelle BtoB, entre professionnels pour que les uns approvisionnent les autres. J’insiste là dessus. Notamment l’industrie agroalimentaire qui se rend compte aujourd’hui que parfois, elle utilise des produits par habitude, elle a acheté sur des créneaux historiques et elle se rend compte que finalement, ces produits, elle pourrait les avoir à proximité parce qu’il y a soit une autre industrie agroalimentaire, soit un producteur à proximité. 

On a eu un certain nombre d’exemples pendant le Covid de quelqu’un qui disait “Je ne trouve pas de farines”. Non. Il y a des moulins dans le Grand Est, on a mis en relation les moulins avec cette personne qui cherchait une farine spéciale, par exemple.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

C’est intéressant ce que vous dites. Ça va peut-être changer les anciennes habitudes de l’industrie agroalimentaire dans certains secteurs, dans certains univers et justement, ramener de la proximité entre les producteurs et le monde de l’industrie agroalimentaire, c’est plutôt chouette.

De quoi ont besoin, de manière générale, les agriculteurs dans la région Grand Est ? On a vu qu’il y avait des difficultés avec des brasseurs, par exemple. On a vu que les viticulteurs ont des soucis.

Est-ce qu’il y a des sujets particulièrement importants qui sont un peu dans vos radars et que vous essayez d’accompagner au mieux aujourd’hui ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Oui, tout à fait, il y a des vrais sujets. Le premier sujet, c’est la politique agricole de la région qui se poursuit.

Le premier point, ça reste le renouvellement des générations, l’installation de jeunes agriculteurs, l’attractivité du métier et l’attractivité de nos lycées agricoles vers nos formations agricoles, etc.

Donc ça reste le premier sujet sur lequel, effectivement, nous les accompagnons au travers de deux programmes : soit d’installation, soit de transmission. 

Le deuxième sujet, c’est tout ce qui va pouvoir concourir à répondre aux attentes sociétales. Les agriculteurs aujourd’hui ont le sentiment d’être mis à l’index sur la plupart des sujets alors qu’ils font des efforts considérables et que parfois ils sont face à des impasses techniques, agronomiques ou des solutions qui n’existent pas.

Donc la société les attend sur un certain nombre de points et notamment sur la réduction d’intrants, soit de produits phytosanitaires, soit d’engrais d’origine chimique. Mais quand il n’y a pas la solution technique en face, c’est très difficile. 

Donc tout le volet “innovation” est fondamental. 

Et donc, au travers du Business Act que vous avez cité, on a le réseau des chambres d’agriculture, avec les instituts techniques qui nous ont présenté un programme complet à 2030, sur les dix prochaines années et qui brosse l’ensemble des thématiques qui sont devant eux et sur lesquelles on pourrait les aider à travailler beaucoup plus avec des bio-intrants, des bio-stimulants, en mesurant beaucoup plus l’impact des émissions dans la sphère de protoxyde d’azote, par exemple. Enfin je ne vais pas tout citer. 

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Il y a vraiment un besoin partagé des agriculteurs qui sont déjà en place et des jeunes, bien sûr, qui s’installent et qui reprennent, qui démarrent. 

Mais il y a vraiment cette intention, ça vous le sentez, vous le ressentez, d’évoluer, de tendre vers de l’agroécologie, de l’agriculture plus responsable. Mais il faut effectivement les accompagner.

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Voilà. Et alors, on pousse, si vous voulez, une notion qui s’est formalisée au travers de la réflexion post-Covid. C’est la notion de troisième voie en agriculture.

Le bio, l’Agriculture biologique est connue du consommateur. Le consommateur va connaître le Label rouge, mais après, vous avez tout un tas de démarches qui ont chacune leur valeur et qui ont tendance plutôt à perdre le consommateur et à faire que, le même, lorsqu’il est citoyen, n’identifie pas les efforts colossaux qu’ont entrepris les agriculteurs. Donc, quand on suggère de s’engager dans la troisième voie, c’est vraiment ça. Ce n’est pas la Région qui va définir ce qu’est la troisième voie en agriculture. 

On a questionné les filières et je les ai toutes reçues début juillet en leur disant “Mais pour votre filière, comment vous vous engagez ? Que serait la troisième voie pour vous ?”.

Je vais prendre un exemple pour être plus précise : la viticulture.

Il y a 18 mois, nous avons dit à la viticulture “Écoutez, effectivement, la Région est prête à vous accompagner. Mais quel est votre engagement ? Où est l’obligation de résultats ? Aussi, si nous mettons de l’argent public pour vous accompagner : quel est l’engagement que vous prenez ?”

La viticulture a répondu : “Zéro herbicide dans les trois vignobles du Grand Est, à 2025.” Voilà. Et pour nous, pour moi, c’est véritablement l’exemple de la troisième voie. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’il y a du soutien aux investissements. Ça veut dire qu’il y a peut-être de la recherche en innovation sur certains points, etc. 

À partir du moment où les filières s’engagent, nous sommes aussi capables en face de nous engager pour les accompagner dans cette voie là. Et ça, je trouve ça très intéressant parce que ce que l’on veut, c’est faire cesser cette mise à l’index permanente des agriculteurs. On vient de vivre un confinement. Les agriculteurs étaient les sauveurs parce qu’on s’est dit : Qu’est ce qui est vital ? 1. Se soigner 2. S’alimenter. Donc tout d’un coup les agriculteurs ont retrouvé la place centrale qu’ils doivent avoir dans la société, avec évidemment toute la chaîne de transformation derrière. Quand je dis agricole, c’est agroalimentaire aussi.

Et ça, on l’a déjà oublié. Aujourd’hui, on a repris le chemin des commerces historiques et on a oublié tout ça.

Non, non. Il faut aussi de la stabilité, il faut de l’accompagnement, il faut de l’engagement des deux côtés. 

Les agriculteurs, vraiment, si on leur fait confiance, savent s’engager.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Vous parliez des jeunes, de la reprise d’exploitation, de l’installation dans la Région Grand Est.

Il y a justement des jeunes en particulier qui sont tentés par s’installer tout court, faire de sa vie une vie d’agriculteurs qui passe beaucoup de temps sur le terrain. 

On en reçoit régulièrement dans les Clés de l’Agriculture. Il y en avait qui me disait “Quand je prends quatre jours de vacances dans l’année, c’est la fête. Mais ça me gêne pas. C’est ma vie”

Vous sentez qu’il y a justement un renouveau, même s’il n’est peut-être pas énorme, de jeunes qui ont envie de démarrer et de jeunes qui, parfois, reprennent aussi bien sur des exploitations existantes, parfois de leurs parents ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Alors, ils sont difficiles à cerner et à identifier. On a dans chaque département le point accueil-installation, qui lui, voit passer tous les jeunes porteurs de projets.

Et parfois, c’est un seul contact et puis, plus rien. C’est : “J’ai vu une émission de télé, ça m’a plu et je me suis dit que j’allais être agriculteur, je vais appeler” puis plus rien.

Mais je pense quand même, au delà de ça, qu’on a aussi des lycées agricoles par lesquels il y a des formations de qualité qui sont dispensées. 

Et ce qui nous manque peut-être dans les territoires et dans l’agriculture, c’est l’attractivité. Il faut faire la promotion du métier et il ne faut pas aussi dire qu’on a que quatre jours de vacances par an.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Ça peut faire peur, c’est ça que vous voulez dire ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Ça peut faire peur et ce n’est pas ça l’agriculture. Et moi, je ne veux pas ça pour les jeunes demain. Je ne veux pas qu’ils aient quatre jours de vacances. Ils ne trouveront pas de compagne, ils n’auront pas de vie de famille. C’est pas ça l’agriculture. L’agriculture elle doit pouvoir s’inscrire dans un temps de travail normal. Alors, peut-être pas 35 heures garanties, mais voilà entre 35 et 70 je crois qu’il y a quand même quelques marges de manœuvre.

Il y a des belles carrières. Il y a des beaux métiers. Il y a des gens qui s’éclatent et qui arrivent à s’organiser, à s’appuyer sur les autres, à faire du collectif pour ne pas être des esclaves et qui gagnent aussi leur vie.

Voilà, je pense que c’est aussi ça qu’il faut rappeler. Il y a des agriculteurs qui gagnent leur vie.

Alors évidemment, c’est un peu plus erratique qu’un salaire mensuel stable d’une année sur l’autre. C’est un peu plus compliqué. Il y a des crises sanitaires. Il y a des crises climatiques, etc. Mais globalement, on a aussi des métiers et on doit pouvoir donner envie. 

Je crois que c’est vraiment, moi, le message que je voulais faire passer à tous, et à commencer par les agriculteurs eux-mêmes. Si vous voulez que les jeunes reprennent derrière vous, insistez aussi et faites la promotion de ce que vous vivez de bien. 

Et si vous regardez les réseaux sociaux vous avez des agriculteurs, par exemple, pendant la moisson, qui se prennent en photo, qui disent “Voilà c’est super. Regardez, j’ai vu du gibier passer depuis ma moissonneuse” et je crois que c’est ça qu’il faut faire. C’est ça qu’il faut valoriser.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Vous avez entièrement raison. Vous parlez des réseaux sociaux, des agriculteurs, des éleveurs, tous autant qu’ils sont sur les réseaux. Vous connaissez sans doute les Agritwittos, les Fragritwittos.

On les voit de plus en plus partager leur vie sur le terrain, avec les animaux, aux commandes de leurs moissonneuses hyper hightech télécommandées, avec des agriculteurs qui font un cours de pédagogie pour dire “Regardez comment ça marche”, avec la famille aussi. C’est important, justement, que toutes ces populations professionnelles prennent la parole, disent “Voilà ce qu’on est, voilà ce qu’on fait, voilà comment on travaille”. Plutôt que de simplement avoir des reportages qui disent parfois un peu de façon caricaturale : “C’est difficile, c’est compliqué, ils travaillent mal, etc.” Ça compte, non ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Ça compte, tout à fait. Il y a une vie de famille derrière. Ça engage plus qu’une personne. C’est plus qu’un métier. C’est tout un mode de vie qui est autour.

Peut-être quelques sacrifices, mais en retour, beaucoup de bonheur aussi. 

Et je crois que c’est comme ça qu’il faut en faire la promotion. 

Petit exemple, dans le lycée agricole où je préside le conseil d’administration, on suit une cohorte d’enfants du département des Ardennes. 3000 enfants, la moitié rurale, la moitié en urbain et ils étaient en sixième, ils sont passés en cinquième, etc.

Et on suit l’idée qu’ils ont de l’agriculture et comment on peut les faire évoluer au travers de toutes les actions de promotion que l’on met en place.

En sixième les petits disent : “1. C’est dur 2. Ça paye pas 3. C’est pas pour les filles” Voilà l’image de l’agriculture renvoyée aux enfants de sixième. C’est vraiment ça qu’on veut contrecarrer si demain on veut renouveler les générations d’agriculteurs. 

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

La solution, c’est donc de leur montrer des reportages de vie d’agriculteurs ou mieux, de les emmener sur le terrain pour découvrir ça.

Pascale Gaillot, on a un nouveau Ministre de l’Agriculture depuis quelque temps : Monsieur de Normandie. 

Vous l’avez à déjeuner aujourd’hui ou demain, vous lui demandez quoi ?

Vous avez une idée en tête qui vous semble importante pour le monde de l’agriculture, de votre région, bien sûr, et de la France en général ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Alors, deux idées. 

La première, c’est : “Monsieur le ministre, faites confiance aux territoires”.

Durant le confinement les territoires ont démontré leur capacité à s’organiser pour alimenter leurs citoyens. Donc, quand je dis ça, c’est un peu plus de décentralisation. Nous sommes, nous, en pleine discussion avec le ministère de l’Agriculture sur la gestion de la prochaine politique agricole commune, les fonds du FEADER.

Le plan stratégique national est en train de s’écrire uniquement avec les filières en verticales, sans se préoccuper du transversal et de tout ce que nous pouvons faire dans les territoires et de tout ce que nous pouvons apporter.

Donc c’est : “Monsieur le Ministre, retournez-vous s’il-vous-plaît. Regardez les territoires, regardez les régions et regardons ce que nous pouvons faire ensemble.

On a beaucoup à apporter et on est vraiment prêts pour le pacte de relance, à vous proposer des projets et vous poser des projets sur la table”.

Je prends le plan des protéines, par exemple. Le plan protéines est national mais il est avant tout régional et local. Ça c’est le premier message.

Et puis le deuxième, on l’a posé nous, en Grand Est : on demande de l’expérimentation pour pouvoir reprendre la compétence de l’alimentation. 

Et notre idée serait d’organiser, ce que j’appelle le très haut débit de l’alimentation, puisque nous faisons le très haut débit de la fibre optique. Donc, cela veut dire organiser tous les canaux, tous les réseaux et toutes les plateformes d’alimentation de l’ensemble de nos enfants et peut être même de nos aînés dans les EHPAD, etc.

C’est à dire toute l’alimentation collective hors domicile qui est aujourd’hui gérée souvent par des gestionnaires qui sont des gestionnaires salariés de l’Etat dans nos lycées, dans nos collèges, etc.

Laissez nous, s’il-vous-plaît, expérimenter cette compétence à l’échelle régionale, organiser les choses. La taille régionale, c’est la bonne taille pour organiser les choses. Et après, l’approvisionnement de ces cantines se fera beaucoup plus localement, peut-être à l’échelle départementale. Enfin, en fonction de l’existence de filières ou de l’absence de filières. 

Mais c’est vraiment ces deux messages-là. Faites confiance aux territoires et transmettez leur un peu plus de compétences.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Sur le second point, c’est de refavoriser la production et la consommation locale, donc la proximité, c’est ça ?

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Oui, c’est ça. Et puis, c’est cette question des cantines sur lesquelles on bute depuis des années et des années où il y a toujours une volonté de part et d’autre, etc. Mais toujours, on se heurte à des choses qui sont un peu complexes et qui sont souvent administratives.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

C’est souvent le règlement qui dit ce qu’il faut faire ou ce qu’il est interdit de faire. On est bloqué par une complexité administrative qui empêche de faire des choses plus intelligentes pour tout le monde.

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Tout à fait. On a des abattoirs dans nos territoires. Les abattoirs sont vraiment disséminés partout, des petits abattoirs, parfois des abattoirs locaux, qui sont multi-espèces, qui peuvent proposer du bovin, de l’agneau, du porc, etc.

Il faut qu’ils soient connectés, beaucoup plus facilement qu’aujourd’hui, à la consommation locale dans les cantines. Aujourd’hui, encore deux tiers de la viande servie dans les cantines n’est pas française. Je ne parle pas que du Grand Est. Donc ça, ce c’est pas normal.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Madame Gaillot, merci, on vous souhaite à vous, et aux agriculteurs, aux éleveurs aux viticulteurs, etc, un bel été, une belle saison, que les gens reviennent dans le Grand Est, découvrent aussi le Grand Est. Ça peut être une belle opportunité. Et puis qu’on consomme aussi tous les produits, les bons produits qu’on y trouve, ça compte.

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Exactement. C’est vraiment tout ce qu’on peut souhaiter à notre territoire.

Un très bel été à vous.

Ivar Couderc, Rédacteur en chef des Clés de l’Agriculture :

Merci Madame Gaillot. Et puis, je vous dis tout simplement à bientôt sur les Clés de l’Agriculture.

Pascale Gaillot, Vice-Présidente de la Région Grand Est :

Volontiers, merci. 

Au revoir.

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