Comment les plantes compagnes réduisent-elles l’usage des pesticides ?

17/05/2025

Les plantes compagnes, c’est quoi exactement ?

Les plantes compagnes, également appelées plantes auxiliaires ou associées, désignent des espèces végétales cultivées ensemble pour leurs capacités à s’entraider. Contrairement aux monocultures intensives, qui isolent une seule espèce sur un espace homogène, le compagnonnage diversifie les plantations pour tirer parti des interactions naturelles entre les plantes.

En pratique, chaque plante compagne apporte un bénéfice spécifique :

  • Repousser ou confondre les ravageurs (parfum, substances répulsives, etc.).
  • Favoriser la fertilité des sols grâce à des racines spécifiques ou des apports en nutriments.
  • Couvrir le sol pour éviter l’apparition et la prolifération des mauvaises herbes.
  • Attirer les insectes pollinisateurs ou les auxiliaires naturels, comme les coccinelles ou les carabes, qui limitent les populations de nuisibles.

Bien que ce concept soit utilisé depuis des milliers d'années, la science commence tout juste à décoder et à expliquer les mécanismes biochimiques précis derrière ces interactions. Ces nouvelles connaissances permettent aujourd'hui de développer des approches ciblées et innovantes.

Pourquoi les plantes compagnes sont-elles un outil efficace contre les ravageurs ?

1. La confusion olfactive et l’effet répulsif

Certaines plantes compagnes produisent des substances chimiques volatiles capables d’éloigner les nuisibles. Ces composés, appelés métabolites secondaires, agissent comme des répulsifs naturels contre les insectes ravageurs. Par exemple, la lavande ou le basilic, souvent utilisés comme plantes compagnes, dégagent des arômes puissants qui perturbent les insectes attirés par une culture principale.

Un exemple marquant est celui du maïs associé au Desmodium, une plante utilisée en Afrique dans le cadre du système "Push-Pull", développé par l'organisation ICIPE (Centre international de physiologie et d’écologie des insectes). Tandis que le Desmodium repousse les foreurs de tiges, le Brachiaria, planté en bordure, agit comme un leurre attirant les insectes. Résultat : une réduction significative des dégâts, sans recours massif aux pesticides (source : ICIPE).

2. L’attraction des alliés naturels

Autre contribution majeure : certaines plantes attirent les insectes auxiliaires, prédateurs ou parasitoïdes des nuisibles. Ainsi, les pucerons, redoutés par de nombreuses cultures, trouvent sur leurs chemins des coccinelles et syrphes, attirés par des plantes comme l’aneth ou la camomille.

Favoriser ces interactions permet souvent de recréer un équilibre écologique : les ennemis naturels des nuisibles reprennent leur rôle régulateur, réduisant ainsi le besoin d’interventions humaines sous forme de pesticides chimiques.

3. Améliorer la résilience des cultures

Outre leur rôle direct contre les ravageurs, plusieurs espèces compagnes agissent sur la santé globale des cultures. Par exemple, les légumineuses comme le trèfle ou le pois enrichissent le sol en azote grâce à leur capacité à fixer l’azote atmosphérique. Un sol fertile et vivant permet aux plantes de mieux résister aux maladies et aux attaques de ravageurs.

Des bénéfices démontrés par la recherche scientifique

De nombreuses études et expérimentations démontrent les bénéfices mesurables des plantes compagnes pour réduire l’usage des pesticides. Entre 2001 et 2020, plusieurs essais menés en Europe sur les cultures de légumes (poivrons, tomates, choux) ont montré une baisse des nuisibles de 34 % en moyenne grâce au compagnonnage, selon une méta-analyse de la revue scientifique Frontiers in Sustainable Food Systems (Frontiers).

En France, le ministère de l’Agriculture a d’ailleurs mis en avant ces pratiques dans le cadre des politiques "EcoPhyto", visant à réduire l’utilisation de produits phytosanitaires. De plus, à l’échelle mondiale, ce sont des millions d'hectares de cultures vivrières qui profitent de techniques similaires, apportant des résultats probants, notamment dans les pays en développement où l’accès aux pesticides est limité.

Défis et limites actuelles de cette approche

Si l’association de plantes compagnes semble être une solution idéale sur le papier, elle n'est pas exempte de défis :

  • Connaissances spécifiques : le compagnonnage nécessite des connaissances approfondies sur les interactions entre espèces, leur compatibilité et les cycles de culture.
  • Adaptabilité locale : toutes les associations ne fonctionnent pas dans tous les climats ou sur tous les types de sols.
  • Aménagement de l’espace : certains agriculteurs craignent une réduction de la surface réservée aux cultures principales, bien qu’une conception intelligente puisse contourner ce problème.

Cela souligne l'importance de combiner approches modernes et savoir-faire traditionnels. Des outils numériques, tels que des applications ou des bases de données sur les associations de plantes, pourraient rendre cette pratique plus accessible.

Un potentiel encore sous-exploité dans les systèmes agricoles

Les plantes compagnes s’inscrivent parfaitement dans le mouvement vers une agriculture agroécologique, plus respectueuse de l’environnement. Elles encouragent non seulement la réduction des pesticides, mais aussi la biodiversité et la résilience des systèmes agricoles face aux changements climatiques.

Des projets pilotes commencent à intégrer ces pratiques dans une perspective d’agriculture régénérative. Par exemple, certaines exploitations viticoles en Bourgogne et dans le Bordelais expérimentent des associations de plantes pour réduire les maladies de la vigne comme le mildiou, avec des résultats prometteurs. Ces initiatives nécessitent cependant des partenariats forts entre agriculteurs, chercheurs et institutions pour garantir des avancées généralisées dans les domaines du savoir et de la pratique.

La voie vers une agriculture repensée

En somme, les plantes compagnes offrent une alternative concrète et naturelle à l’utilisation intensive de pesticides. Si leur mise en œuvre demande une planification rigoureuse et une meilleure diffusion des connaissances, leur potentiel pour renforcer la durabilité des pratiques agricoles reste immense. Plus qu’un simple outil, elles incarnent une philosophie agricole où la nature est mise à profit pour travailler en synergie, plutôt que contre elle. Les défis restent nombreux, mais chaque pas en faveur du compagnonnage nous rapproche d’un modèle agricole plus sain et résilient.

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