Produits phytosanitaires : quelle réglementation pour un usage encadré et contrôlé ?

23/05/2025

Pourquoi réglementer les produits phytosanitaires ?

La réglementation des produits phytosanitaires repose sur une double nécessité : protéger la santé humaine et préserver les écosystèmes. En Europe, des études ont montré que des substances chimiques mal utilisées peuvent polluer les sols, les nappes phréatiques et nuire à la biodiversité. Par ailleurs, une exposition prolongée à certains pesticides peut être liée à des risques accrus de maladies chroniques (comme les cancers ou des troubles neurologiques), selon plusieurs publications scientifiques, notamment celles de l’INSERM.

En parallèle, la montée des préoccupations environnementales et la demande sociétale pour des aliments plus sains ont poussé les autorités nationales et internationales à encadrer strictement l'utilisation des produits phytosanitaires. L’objectif ? Réduire les impacts tout en garantissant une agriculture performante et respectueuse.

Les grands axes de la réglementation européenne

1. Le Règlement (CE) n° 1107/2009 : une autorisation stricte

Au sein de l’Union européenne, l’utilisation des produits phytosanitaires est régie par le règlement (CE) n° 1107/2009, en vigueur depuis 2011. Ce texte établit un cadre commun à tous les États membres pour l’autorisation, la mise sur le marché et le contrôle des pesticides.

  • Autorisation préalable : Toute substance active doit être évaluée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour garantir son innocuité environnementale et sanitaire.
  • Critères d’exclusion : Si une substance est identifiée comme cancérigène, mutagène, toxique pour la reproduction ou perturbatrice endocrinienne, elle est automatiquement rejetée.
  • Réévaluation régulière : Les produits phytosanitaires sont soumis à une réévaluation tous les 10 à 15 ans afin de tenir compte des avancées scientifiques et des nouveaux risques identifiés.

2. La directive 2009/128/CE : promouvoir une utilisation durable

En complément, la directive 2009/128/CE établit un cadre pour une utilisation durable des pesticides. Cette directive incite les États membres à adopter des pratiques agricoles plus respectueuses via :

  • La promotion de la lutte intégrée contre les ravageurs (Integrated Pest Management - IPM), qui privilégie des alternatives biologiques ou mécaniques.
  • La réduction de l’utilisation des produits chimiques dans des zones sensibles : parcs naturels, zones proches des écoles ou des hôpitaux.
  • Des campagnes de sensibilisation et de formation pour les agriculteurs.

La réglementation française en matière de phytosanitaires

En France, l’utilisation des produits phytosanitaires est soumise à des règles encore plus strictes que celles imposées au niveau européen. Le Plan Écophyto, mis en place depuis 2008, illustre l’ambition du pays de limiter drastiquement le recours aux pesticides tout en accompagnant la transition vers des pratiques alternatives.

1. Le Plan Écophyto : des objectifs ambitieux

Lancé suite au Grenelle de l’environnement, ce plan vise à réduire progressivement l’utilisation des produits phytosanitaires. Bien que l’objectif initial de diminuer de 50 % les usages en 2018 ait été retardé, des progrès ont été réalisés, notamment grâce à des actions comme :

  • Le soutien aux recherches et innovations en matière de biocontrôle (utilisation de mécanismes naturels pour contrer les nuisibles).
  • La mise en œuvre des Zones de Non-Traitement (ZNT), interdisant les pulvérisations à proximité des habitations.
  • Des subventions pour encourager l’agriculture biologique, déjà en croissance constante chaque année (+13 % de surfaces bio en 2022 selon l'Agence Bio).

2. Le contrôle des produits par l’ANSES

En parallèle, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) joue un rôle clé dans l’évaluation et le contrôle des produits phytosanitaires commercialisés en France. Avant leur mise sur le marché, les produits doivent obtenir une autorisation évaluant leur impact sur :

  • La santé des agriculteurs et des riverains.
  • L’environnement, avec une attention particulière donnée à la contamination des eaux de surface et des nappes phréatiques.
  • Les pollinisateurs, notamment les abeilles, espèces clés pour les écosystèmes.

Quelles alternatives aux produits phytosanitaires chimiques ?

Face aux restrictions croissantes, de nouvelles solutions se développent pour répondre aux défis agricoles. Parmi les alternatives les plus prometteuses, on trouve :

  • Le biocontrôle : Cette méthode repose sur l’utilisation de micro-organismes (bactéries, virus), d’insectes auxiliaires ou encore de substances naturelles (extraits végétaux). Par exemple, le Bacillus thuringiensis, une bactérie, est déjà utilisé pour protéger les cultures contre certains ravageurs.
  • L’agriculture de conservation : En limitant le travail du sol, en diversifiant les cultures et en maintenant des couverts végétaux, cette approche permet de réduire le besoin en intrants chimiques.
  • Les nouvelles technologies : Les outils numériques comme les drones ou les capteurs connectés permettent une observation fine des champs pour n’appliquer les produits phytosanitaires que de manière ciblée.

Vers une agriculture sans pesticides : mythe ou réalité ?

L’objectif d’une agriculture totalement dépourvue de pesticides reste ambitieux. Si certaines productions (comme les légumes ou les fruits en permaculture) peuvent s’en passer complètement, d’autres nécessitent encore un recours minimal à ces substances pour assurer des récoltes viables. Cependant, l’intensification des recherches, la montée en puissance des solutions alternatives et l’application rigoureuse de la réglementation permettent d’espérer un modèle agricole de plus en plus respectueux de l’environnement.

La transition agroécologique ne se fera pas du jour au lendemain, mais chaque acteur - agriculteur, industriel, consommateur, chercheur ou décideur politique - contribue à ce changement par ses efforts et ses choix. Si la réglementation actuelle joue un rôle crucial pour limiter les dérives, elle s’inscrit dans un mouvement plus global : celui d’une réflexion collective sur les moyens de cultiver demain, en tenant compte des défis environnementaux et sociétaux.

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