Pesticides de synthèse vs produits de biocontrôle : nuances et enjeux d'une agriculture en transition

08/05/2025

Qu’est-ce qu’un pesticide de synthèse ?

Les pesticides de synthèse, souvent désignés comme “produits phytosanitaires”, sont des substances ou composés chimiques élaborés en laboratoire pour lutter contre divers organismes nuisibles aux cultures : insectes, champignons, adventices (terme scientifique désignant les mauvaises herbes), etc. Ces produits sont utilisés à grande échelle depuis les années 1950 et ont joué un rôle crucial dans l’intensification de l’agriculture et la sécurité alimentaire mondiale.

Fonctionnement et objectifs

Ces pesticides agissent de manière ciblée ou large selon leur composition. On distingue plusieurs catégories :

  • Herbicides : ciblent les mauvaises herbes qui concurrencent les cultures principales.
  • Insecticides : éliminent ou repoussent les insectes ravageurs, comme les pucerons, les chenilles ou les coléoptères.
  • Fongicides : luttent contre les maladies fongiques telles que le mildiou ou la rouille.

L’efficacité de ces produits est indéniable : ils permettent d’augmenter les rendements agricoles en réduisant les pertes dues aux nuisibles. Cependant, leur utilisation massive n’est pas sans conséquences.

Impacts environnementaux et controverses

Malgré leur efficacité, l’usage intensif des pesticides de synthèse a montré plusieurs limites. Parmi les principaux inconvénients :

  • Contamination des sols et des eaux : Certains produits chimiques peuvent persister dans l’environnement, se retrouver dans les nappes phréatiques ou perturber la vie microbienne des sols.
  • Risque pour la biodiversité : Les pesticides non sélectifs peuvent affecter des espèces non-cibles, comme les abeilles ou d’autres pollinisateurs indispensables à l’agriculture.
  • Résistances : Avec le temps, certains ravageurs ou pathogènes développent des résistances, limitant l’efficacité des produits et obligeant à augmenter les doses ou à chercher de nouvelles molécules.

La question des risques pour la santé humaine (notamment via les résidus dans les aliments ou les expositions des agriculteurs) est également centrale, renforçant les débats publics sur leur encadrement. En Europe, la réglementation est stricte, mais des études continuent de pointer des lacunes.

Les produits de biocontrôle : une alternative plus durable ?

Le terme “biocontrôle” désigne une approche basée sur l’utilisation de mécanismes naturels pour contrôler les organismes nuisibles. Concrètement, il s’agit d’exploiter les interactions biologiques au sein des écosystèmes agricoles pour limiter les nuisibles, tout en préservant les cultures.

Quelles sont les solutions de biocontrôle disponibles ?

Les produits de biocontrôle se déclinent en quatre grandes catégories :

  1. Les macro-organismes : Ce sont des insectes, nématodes ou acariens utilisés pour lutter contre d'autres insectes ravageurs. Par exemple, la coccinelle est un prédateur naturel des pucerons.
  2. Les micro-organismes : Ce sont des bactéries, champignons ou virus utilisés pour cibler spécifiquement certains pathogènes ou insectes. Le Bacillus thuringiensis (Bt) est l’un des micro-organismes les plus connus.
  3. Les médiateurs chimiques : Parmi eux, les phéromones servent à perturber le comportement reproductif des insectes nuisibles, comme dans le cas de la confusion sexuelle pour les carpocapses des pommes.
  4. Les substances naturelles : Extraites de plantes ou de minéraux, ces composés, comme l’huile essentielle de neem ou le soufre, agissent directement ou indirectement sur les nuisibles.

Points forts et limites de ces solutions

Les avantages des produits de biocontrôle sont nombreux :

  • Impact limité sur l’environnement : Ces produits se décomposent rapidement dans la nature et sont souvent spécifiques à une cible, épargnant la faune bénéfique.
  • Moins de résidus chimiques : Les produits de biocontrôle laissent peu ou pas de résidus dans les aliments.
  • Réduction des phénomènes de résistance : Grâce à leur mode d’action plus subtil, les risques de résistance sont moindres en comparaison des pesticides de synthèse.

Toutefois, ils présentent aussi des limites :

  • Efficacité variable : Leur performance dépend des conditions environnementales et de la bonne synchronisation avec le cycle biologique des nuisibles.
  • Coût : Certains produits sont encore coûteux à produire ou nécessitent une application plus fréquente.
  • Formation des agriculteurs : Leur utilisation nécessite souvent un accompagnement technique et une bonne connaissance des ravageurs pour être pleinement efficace.

Pesticides de synthèse ou biocontrôle : des usages toujours complémentaires

Opposer ces deux familles de solutions serait céder à une simplification trompeuse. En pratique, les agriculteurs adoptent souvent des stratégies combinées dans le cadre de la protection intégrée des cultures (PI). Cette approche repose sur la priorisation des méthodes naturelles et préventives (rotation des cultures, sélection variétale, biocontrôle) et, si nécessaire, le recours raisonné aux pesticides de synthèse.

Selon l'Union des Industries de la Protection des Plantes (UIPP), en 2022, le biocontrôle représentait 12 % du marché des produits phytosanitaires en France, un chiffre en augmentation constante. Cependant, la transition est encore lente face aux habitudes d’usage des produits de synthèse et aux défis techniques de certaines cultures.

Quel avenir pour la protection des cultures ?

Face à la pression des consommateurs, aux exigences réglementaires (comme le plan européen Farm to Fork, visant une réduction des pesticides de synthèse de 50 % d’ici 2030), et à la réalité des changements climatiques, il est clair que l’agriculture doit évoluer. Le biocontrôle, en tant que levier d’une transition agroécologique, offre des perspectives prometteuses – mais nécessite une accélération de sa recherche et de son déploiement.

Innovations techniques, incitations aux agriculteurs, éducation des consommateurs… Plusieurs chantiers sont sur la table pour garantir un équilibre entre productivité agricole, respect des écosystèmes et sécurité alimentaire mondiale. Quel sera le prochain chapitre de cette transition ? Tout reste à écrire.

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