L'agriculture biologique : une solution sans pesticides ou une vision nuancée ?

20/05/2025

Comprendre ce que l’on entend par « pesticide »

Le terme "pesticide" désigne toute substance utilisée pour protéger les cultures contre les nuisibles (insectes, champignons, mauvaises herbes, etc.). Dans l’agriculture conventionnelle, il s’agit souvent de molécules synthétiques développées par l’industrie chimique. Ces produits sont utilisés pour leur efficacité rapide et ciblée mais ne vont pas sans conséquences : contamination des sols et des eaux, impacts sur les organismes non-ciblés – abeilles, par exemple – et sur la santé humaine.

En agriculture biologique, les pesticides chimiques de synthèse sont strictement interdits. Cela signifie-t-il que le bio est totalement exempt d’intrants phytosanitaires ? Pas vraiment. Les agriculteurs bio peuvent utiliser des substances d’origine naturelle et des méthodes alternatives qui nécessitent un examen attentif.

Quels pesticides sont autorisés en agriculture biologique ?

L’agriculture biologique autorise certains pesticides, mais avec des critères stricts. Ils doivent être d’origine naturelle ou peu transformés, et leur utilisation est encadrée par la Réglementation Européenne sur l’Agriculture Biologique (Règlement 2018/848).

Voici quelques exemples de substances acceptées :

  • Le cuivre : Utilisé principalement sous forme de bouillie bordelaise pour lutter contre les maladies fongiques comme le mildiou, le cuivre est indispensable pour certaines cultures, notamment la viticulture. Cependant, il s’accumule dans les sols et peut poser un problème écologique lorsqu’il est utilisé en excès.
  • Le soufre : Efficace contre l’oïdium, une mycose qui attaque les feuilles et fruits, le soufre est une alternative couramment utilisée en bio.
  • Les huiles essentielles : Certaines, comme l’huile d’orange ou de neem, repoussent les insectes nuisibles et agissent comme fongicides.
  • Les micro-organismes vivants : Bacillus thuringiensis (Bt), une bactérie naturelle, est couramment utilisée pour cibler les chenilles sans nuire aux autres insectes.

Ces substances, bien que naturelles, ne sont pas sans impact. Le cuivre, notamment, a une toxicité pour de nombreux organismes du sol. Cela illustre que même dans un modèle biologique, l’objectif "zéro impact" est difficile à atteindre.

Le défi de la gestion des ravageurs sans pesticides chimiques

Si l’agriculture biologique réduit considérablement la dépendance aux produits phytosanitaires, elle repose davantage sur des approches préventives et agroécologiques pour protéger ses cultures. Ces stratégies incluent :

  1. La rotation des cultures : Alterner les cultures d'une année à l'autre pour casser les cycles des nuisibles et enrichir les sols.
  2. La biodiversité fonctionnelle : Encourager la présence d’auxiliaires de culture comme les coccinelles pour lutter contre les pucerons, ou les chauves-souris pour contrôler les populations d’insectes nocturnes.
  3. Les plantes compagnes : Introduire certaines variétés végétales capables de repousser les ravageurs ou d’attirer les insectes pollinisateurs, comme la lavande ou la moutarde.
  4. Les filets et barrières physiques : Utilisés dans la lutte contre des insectes comme la mouche de l’olive, ces dispositifs permettent une protection mécanique sans intervention chimique.

Ces méthodes requièrent cependant une expertise technique et un suivi important. Elles sont aussi plus énergivores en main-d’œuvre, ce qui peut expliquer en partie le coût plus élevé des produits bios.

Une efficacité relative selon les contextes

L’efficacité de l’agriculture biologique pour se passer complètement de pesticides dépend fortement du type de culture et des régions concernées. Prenons l’exemple de la viticulture : dans des climats humides où les maladies cryptogamiques (comme le mildiou) prolifèrent, il sera difficile, voire impossible, de produire sans recours aux intrants autorisés en bio. Les viticulteurs font parfois face à un dilemme entre productivité et respect des normes écologiques.

D’autres cultures, comme les légumineuses ou certaines céréales rustiques, peuvent mieux s’adapter aux contraintes du bio sans recourir aux pesticides, grâce à leur robustesse face aux nuisibles et aux maladies.

À l’échelle mondiale, certaines études montrent que le bio peut potentiellement réduire les rendements de 20 % à 25 % comparé à l’agriculture conventionnelle, selon la FAO. Dans ce contexte, les pesticides naturels sont parfois nécessaires pour maintenir un équilibre entre rentabilité et durabilité.

Peut-on imaginer une agriculture bio sans pesticides demain ?

À l’heure où la recherche en agriculture regorge d’innovations, l’idée d’une agriculture biologique excluant totalement les pesticides – même naturels – semble pousser chaque acteur du secteur à redoubler d’efforts.

Parmi ces innovations, citons :

  • Les variétés résistantes : Des variétés végétales sélectionnées ou développées pour mieux résister aux maladies et ravageurs, favorisant ainsi la réduction des traitements.
  • Les biostimulants : Ces substances améliorent la résilience des plantes face aux stress, qu’ils soient climatiques ou biologiques.
  • Les outils d’aide à la décision : Grâce à l’intelligence artificielle et à la collecte de données, les agriculteurs peuvent optimiser leurs pratiques, intervenir de manière plus précise et réduire encore davantage l’utilisation d’intrants.

Ces pistes offrent de réelles perspectives, mais elles nécessitent des investissements en termes de recherche et de formation des agriculteurs. Sans oublier une réforme plus large des politiques agricoles pour accompagner cette transition.

Un choix éclairé entre neutralité et pragmatisme

En définitive, l’agriculture biologique ne se passe pas totalement de pesticides, mais elle en limite fortement l’usage et mise sur des produits naturels et des approches préventives. Cela s’inscrit dans une démarche globale cherchant à réduire son empreinte écologique et à encourager des pratiques durables.

Si certains défis demeurent – gestion des sols, coût économique, limites technologiques –, l’agriculture bio montre qu’il est possible de cultiver autrement, en rompant avec la dépendance massive aux intrants synthétiques. Demain, les innovations pourraient nous rapprocher d’une agriculture encore plus respectueuse de la nature, capable, qui sait, de se passer complètement de pesticides. Mais pour l’heure, la voie est encore tracée par des compromis éclairés.

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