Vinification : Quels impacts concrets sur la santé des amateurs de vin ?

19/10/2025

Qu’est-ce que la vinification ? Panorama des principales méthodes

La vinification désigne l’ensemble des techniques permettant de transformer le raisin en vin. Plusieurs paramètres majeurs la différencient :

  • Type de fermentation (alcoolique via des levures, malolactique via des bactéries)
  • Ajout d’additifs (sulfites, enzymes, clarifiants, stabilisants, etc.)
  • Contrôle de la température, de l’oxygénation
  • Bâttonnage, filtration, collage, élevage bois ou inox

On distingue en France trois grandes approches :

  • Vinification conventionnelle : large emploi d’intrants œnologiques autorisés
  • Vinification « biologique » : intrants limités, réglementation spécifique européenne (ex : dose maximale de SO réduite par rapport au conventionnel)
  • Vinification « nature » : minimalisme maximal, peu ou pas d’additifs, fermentations spontanées

Chaque méthode façonne non seulement le goût, mais aussi la sécurité sanitaire et le profil moléculaire du vin.

Résidus et contaminants : un point de vigilance sanitaire

Pesticides et métaux lourds, des traces surveillées

La question des résidus – pesticides, fongicides, voire métaux lourds – dans le vin est récurrente. Plusieurs enquêtes de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ou d’associations de consommateurs, comme Que Choisir ou UFC Que Choisir, relèvent que la majorité des vins commercialisés en France affichent des traces de résidus inférieures aux « limlites maximales » européennes.

Le rapport de la DGCCRF de 2021 indiquait, après analyses sur près de 1000 échantillons de vins français, la présence de résidus de pesticides dans 90 % des bouteilles analysées, mais toujours sous le seuil réglementaire (source : DGCCRF, 2021). Toutefois, l’agriculture biologique limite drastiquement la présence de ces molécules : en bio, seuls 20 % des échantillons présentaient des résidus – exclusivement des molécules autorisées en bio comme le cuivre – à des taux extrêmement faibles, voire non quantifiables dans les vins nature (Institut national de l’origine et de la qualité, 2022).

Du côté des métaux lourds (plomb, cadmium, arsenic …), le niveau des vins français reste largement en-deçà des limites fixées par l’EFSA, même dans les vignobles historiques comme Bordeaux (source : EFSA, 2019). Les concentrations moyennes sont de l’ordre de 2-5 microgrammes/L pour l’arsenic (seuil : 200 µg/L), et de moins de 10 µg/L pour le plomb (seuil : 150 µg/L).

Méthode de vinification et influence sur les contaminants

  • Macération longue augmente l’extraction de composés, y compris certains contaminants si les peaux de raisins sont souillées.
  • Collage/filtration permet d’en éliminer une partie, mais entraîne également la perte de polyphénols bénéfiques.
  • Élevage sous bois peut – s’il est insuffisamment maîtrisé – amener la migration de certains polluants présents dans le bois.

En résumé : plus les pratiques sont « douces » (peu d’intrants, tri précis, hygiène stricte), moins la charge contaminante a de chances d’atteindre des seuils significatifs pour la santé.

Le cas des sulfites : allergènes, asthme, mais aussi conservateurs incontournables

Les sulfites (SO) sont l’additif emblématique de la vinification moderne. Antioxydants et antimicrobiens, ils protègent le vin contre l’oxydation et l’altération microbienne.

Pourtant, leur présence interroge : ils sont responsables de réactions allergiques chez 1 % de la population, en particulier des symptômes asthmatiques, migraines ou urticaires (source : ANSES, 2016). L’étiquetage « Contient des sulfites » est imposé lorsque la concentration dépasse 10 mg/litre.

Comparatif des teneurs (au litre) réglementaires maximales :

Vinification Rouge Blanc Rosé
Conventionnelle 150 mg 200 mg 200 mg
Biologique (UE) 100 mg 150 mg 150 mg
Vin nature Le plus souvent <10 mg (parfois 0) <10 mg <10 mg

À noter : En pratique, les vins en France se situent fréquemment (même hors bio) sous les seuils maximaux, les producteurs cherchant à réduire les doses.

Pourquoi ne pas supprimer totalement les sulfites ?

  • Absence de SO : risques accrus de refermentation en bouteille, défauts microbiens, altération rapide, mycotoxines (ochratoxine A notamment)
  • Sur un plan de santé publique, la modulation raisonnée des sulfites reste donc préférable à leur bannissement total, sauf pour une niche de consommateurs sensibilisés.

Polyphénols, antioxydants et vinification : la santé par les molécules phares du vin

Le « French Paradox » – cette « énigme » du faible taux de maladies cardiovasculaires chez les amateurs de vin rouge, malgré une alimentation parfois riche en graisses – est attribué notamment à la présence des polyphénols dans le vin. Catéchines, resvératrol, anthocyanes : ces composés sont reconnus pour leur activité antioxydante et leur capacité à limiter l’oxydation du cholestérol LDL (source : Inserm, 2021).

  • La quantité de polyphénols dans un vin dépend directement de la méthode de vinification :
  • La macération prolongée sur marc (pelliculaire) augmente la libération de polyphénols
  • Filtration, collage, élevage long réduisent les teneurs
  • Les vins rouges (2500-4000 mg/L) sont beaucoup plus riches que les blancs (300-500 mg/L)

Les pratiques « nature », en valorisant la typicité et des extractions longues, aboutissent souvent à des niveaux supérieurs de composants protecteurs (source : BRGM, 2022).

Toutefois, les bénéfices cardiaques supposés du vin restent limités par la notion de modération : l’Inserm rappelle qu’au-delà d’un verre quotidien pour les femmes, deux pour les hommes, l’alcool entraîne des risques majeurs (addiction, cancers, troubles du rythme cardiaque).

Allergènes, additifs, micro-organismes : les nouveaux défis sanitaires

Les clarifiants et colles : œuf, poisson et allergie

La clarification du vin – étape visant à rendre le vin limpide – fait appel à des agents traditionnels :

  • Blanc d’œuf (ovalbumine), lait (caséine), poisson (ichtyocolle) : utilisés pour floculer les particules

Ces produits, s’ils ne sont pas totalement éliminés, peuvent déclencher des réactions allergiques chez des consommateurs sensibles. Depuis 2012, l’étiquetage est obligatoire lorsque leur présence résiduelle dans le produit fini dépasse 0,25 mg/L.

Bioprotection et risques microbiens

Les levures, bactéries lactiques ou acétiques héritées de la vinification sont parfois responsables de complications : goût de souris, piqûres acétiques, biógènes.

  • Dans les vins non sulfités, le risque microbiologique est accru.

Une innovation croissante consiste à remplacer le SO par des bactéries ou levures non-toxiques servant de « barrière biologique » (bioprotection), réduisant ainsi l’usage d’additifs mais maîtrisant mieux les contaminations (source : IFV, 2023).

Histamine et amines biogènes

Certains vins mal vinifiés produisent de l’histamine ou des amines biogènes à des dosages croissants, entraînant chez les plus sensibles migraines, bouffées de chaleur, voire réactions pseudo-allergiques (source : Nature, 2021). On en trouve surtout dans les rouges vinifiés rapidement, sans hygiène stricte.

Alcool, sucre, management du risque et évolution des pratiques

Outre les additifs, la vinification impacte la charge en alcool et en sucre du vin. Les techniques de mutage, de chaptalisation (ajout de sucre) ou de choix de levures modifient le profil calorique et glycémique final.

  • Vinification « moderne » : tendance à abaisser l’alcool (désalcoolisation partielle), réduire les sucres résiduels en invoquant des problématiques de santé publique.
  • Développement des vins « faibles en alcool » ou sans alcool (niche en forte croissance)

L’OIV indiquait en 2023 une hausse de 15 % en cinq ans de la production de vins à moins de 9 % vol., dans un contexte d’attentes croissantes des consommateurs (source : OIV, 2023).

Tendances innovantes et perspectives à venir : vers une vinification toujours plus « propre » ?

La pression réglementaire, la demande pour des produits « propres » et la généralisation de la traçabilité sont en train de transformer les pratiques de cave :

  • Remplacement progressif des intrants traditionnels (gélatine, caseine, ichtyocolle) par des alternatives végétales (protéines de pomme de terre, pois, etc.)
  • Innovations en matière de levures sélectionnées non-OGM, capables de limiter la production d’alcool tout en favorisant la diversité aromatique
  • Développement des analyses multi-résidus, outils de plus en plus accessibles (spectroscopie, plateformes PCR, etc.) pour certifier la pureté sanitaire du vin

La France s’est fixé, à travers le plan ECOPHYTO et les États généraux de l’alimentation, des objectifs ambitieux pour limiter de 50 % l’usage des produits phytosanitaires d’ici 2030. Cela aura nécessairement un écho dans la composition sanitaire du vin en sortie de cave.

Vinification et santé : quels repères pour le consommateur ?

  • L’étiquetage devient plus précis (quantité de SO, présence de substances allergènes…)
  • Labels : AB, Demeter, HVE fournissent quelques garanties supplémentaires
  • L’information sur l’origine, le terroir, les pratiques du producteur devient essentielle

Face à la complexité du lien entre vinification et santé, l’enjeu reste de privilégier des vins bien faits, transparents sur leurs méthodes, et bus avec modération. Les consommateurs disposent aujourd’hui, plus que jamais, des outils pour interroger et choisir leur vin sur la base de critères tangibles : résidus, additifs, allergènes, mais aussi qualités intrinsèques, comme la richesse en polyphénols. Un mouvement de fond qui fait du choix du vin, au-delà du plaisir, un véritable acte de conscience.

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